Apprendre de l'artiste

"De l'art, nous avons à prendre de la graine" J. Lacan

  • Apprendre ?

    "(...) le seul avantage qu'un psychanalyste ait le droit de prendre de sa position, lui fût-elle donc reconnue comme telle, c'est de se rappeler avec Freud qu'en sa matière, l'artiste toujours le précède et qu'il n'a donc pas à faire le psychologue là où l'artiste lui fraie la voie" Jacques Lacan, Autres écrits, Hommage fait à Marguerite Duras, p192.
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Georges Moustaki : le mot de passe était « Milord » par Marlène Belilos

Posted by vrdriguez sur 31 Mai 2013

Il y avait la belle part du monde chantant pour la dernière de Moustaki au Père Lachaise, Maxime le Forestier, Higelin, Bedos, et les plus jeunes, Cali, Arthur H… ; pour entrer, le mot de passe lui aurait plu, c’était Milord.

L’atmosphère était un peu « baladi » comme on aurait dit en Egypte, dans notre Egypte, la sienne et la mienne « sans façons ». Et comme en Egypte, il faisait presque beau et les badauds échangeaient leurs anecdotes, glanées dans « Voici » ; peu l’avaient connu.

Celui qui avait toujours un peu de ce sable de la grande plage d’Alexandrie dans la voix, qui lui donnait ce timbre particulier, ne pouvait plus parler à la fin. Et surtout, m’a confié Areski, il ne ne voulait plus qu’on le voit. Il s’était réfugié dans une clinique à Nice.

En Egypte, tous les Messieurs sont un peu fainéants

Il faut avoir connu l’Egypte, y être née comme moi, pour savoir ce qu’était l’élégance de ces hommes, leur raison d’être .

moustaki--3-Moustaki était un peu comme mon père, né aussi là-bas, ces hommes déambulaient dans les rues d’Alexandrie avec nonchalance, vêtus de costumes blancs impeccables qui se détachaient comme des taches de lumière sur le pavé, ou encore sur la Corniche à l’heure où l’air se rafraîchit, après la sieste.

Moustaki se vantait d’être fainéant, mais en Egypte tous les Messieurs l’étaient un peu.

Sa librairie, celle de son père, était tout près de chez moi, dans la rue commerçante. La Cité du Livre, c’est là que j’allais faire des rafles de livres, Moustaki la comparait à la Sorbonne, tant s’en faut… méditerranéen jusqu’au bout, Moustaki.

Fin de notre adolescence totalement inconsciente

Quitter Alexandrie avait été une véritable déchirure pour lui, comme pour tous ceux qui ont quitté avec Farouk ou un peu avant ou un peu après. Fin de la royauté, fin de notre adolescence totalement inconsciente.

Les familles cosmopolites ont rejoint ce qu’elles supposent être leur coin du monde. Chez moi, on était juifs mais de Syrie ou de Turquie ou d’Espagne, chez Moustaki on était de Grèce… mais tout ça reste assez nébuleux.

Les passeports s’échangeaient. Ce qui reste, ce sont les langues que l’on parlait indifféremment, et pas très bien, et surtout le goût de passer de l’une à l’autre. Rouler les mots comme les enfants. Le français d’abord, que l’on apprenait au Lycée et qui fit que jamais il n’y eut de doute pour lui de le choisir, mais tout en gardant la familiarité avec toutes les autres.

C’est ce qui fascine le monde, mais c’était tellement naturel. L’italien, le grec, l’arabe, et l’espagnol et le catalan… A l’enterrement, son garde du corps arabe pleurait à chaudes larmes, un couturier italien m’expliquait qu’il lui avait appris le grec, un chanteur racontait les concerts de Moustaki en Catalogne.

« Ne regarde pas cette femme de mauvaise vie avec son gigolo »

moustaki-piafQuand j’arrivais à Paris, un peu plus âgée que lui, je logeais chez ma tante, Boulevard Lannes.

Souvent je me penchais à la fenêtre pour regarder la rue très animée. Ma tante me rabrouait : « Ne regarde pas cette femme de mauvaise vie avec son gigolo ».

C’était sa voisine du dessous, c’était Edith Piaf et Georges Moustaki.

Comme on voit, tous les juifs d’Alexandrie n’avaient pas forcément les idées larges.

Publié avec l’aimable autorisation de Marlène Belilos. L’équipe du blog la remercie chaleureusement.

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